samedi 17 mai 2008

Leçon de plaidoyer

Comment faire du plaidoyer? La question, qui peut paraître simple au premier abord, est loin de l'être, croyez-moi!! Peut-être encore plus au Cambodge. Parce qu'il faut y lire: comment faire du plaidoyer dans un État où la liberté d'expression est limitée. NGO Forum, un nouveau partenaire de Développement et Paix au Cambodge, y parvient assez bien, malgré les obstacles. Il faut dire qu'ils ont adapté à la sauce cambodgienne la façon de faire du plaidoyer!

Sam Ath, le directeur de NGO Forum définit le plaidoyer comme suit: “To request or demand help from someone powerful in order to solve a problem”. Plutôt different de notre vision occidentale qui voit le plaidoyer plus en terme d'exigeances que de demandes, de rapport de force que de collaboration. Mais il semble que ça fonctionne. NGO Forum est un réseau d'une quarantaine d'ONGs qui travaillent sur les thèmes de la terre, du développement et de l'environnement. Il peut vous jaser pendant des heures de la situation des autochtones d'ici, de la situation des mines et de la foresterie, de l'efficacité de l'aide et sur la situation des droits de la personne. Un homme passionnant et passioné, qui dirige son réseau avec douceur, efficacité et avec un grand respect pour les processus démocratiques. Lorsque je lui ai demandé si parfois son travail lui faisait peur, il a rigolé doucement et m'a confié que non. Que oui, mais vraiment non. Il faut dire que Sam Ath est avant tout un militant pour les droits de la personne au Cambodge. Et que ça, ça exige une bonne dose de courage! L'approche de NGO Forum, un savant mélange de recherche très bien documentée, de collaboration avec le gouvernement mais aussi de revendication démontre une pensée très stratégique.

Prenons un exemple concret: La distribution des terres des autotchones. En 2001, le gouvernement cambodgien adoptait la loi sur l'attribution des terres. Selon cette loi, les autochtones cambodgiens ont droit à l'utilisation communale de leur terre. Comme partout ailleurs (à tout le moins c'est l'impression que ça donne!), les autochtones d'ici ont eu le malheur de s'établir historiquement sur des terres riches, par conséquent sur des terres convoitées par les riches de ce monde, ce qui inclut les compagnies minières et forestières. Afin de corriger cette loi, qui semble favoriser un peu trop les autochtones, le gouvernement s'est lancé dans la rédaction d'un sous-décret qui corrigerait cette situation. On dirait, comme trop souvent, une reprise de David contre Goliath.

Les groupes autochtones se sont réunis, NGO Forum les a appuyé en fournissant recherche et lieu de rencontres, et surtout en mettant au service des autochtones leur réseau. Le résultat: à la fin avril dernier communautés autochones, ongs et un réseau de légistes reconnus, remettaient au gouvernement une série de recommendations sur comment améliorer ce sous-décret tout en respectant l'esprit premier de la loi. Évidemment, la bataille n'est pas encore gagner, mais cette solidarité entre mouvements autochtones, ongs et avocats est sans précédents et ne peut pas être totalement ignoré par le gouvernement. Et ce pas seulement en raison de la force de la solidarité de ce mouvement, mais aussi parce qu'NGO Forum a attiré l'attention des instances internationales (ONU, encore très présente ici, la banque mondiale, la banque asiatique de développement, de grosses ongs internationales, AI entre autres) et que ces dernières appuient les recommendations de ce groupe. Difficile pour le gouvernement d'ignorer ces recommendations lorsqu'elles proviennent de différents secteurs de la société civile en appui avec les grosses pointures internationales!!

On saura d'ici la fin juin ce que le gouvernement fera avec ce sous-décret. Mais qu'il décide d'ignorer les recommendations du groupe, d'en choisir que quelques-unes ou même de les appliquer en totalité, il demeur que le réseau est formé et qu'une nouvelle force est créée!

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